Automne

I.

OCTOBRE est passé, l’automne s’est retiré et la trace manque de disparaître – une page tournée au milieu des peines et des pleurs

La vue recouvrée sur le rivage donne à ceux qui étaient perdus l’insomnie unique d’être vivants une fois la nuit rendue à la ville, aux rives abstraites du Saint-Laurent ébloui de toutes les enseignes tourbillonnant sur le noir de sa peau fluide, attirés malgré le vide à l’ombre du doute.

Plongeant dans l’onde vive crépusculaire poindre miséricordieuse sa lueur à la dérive,

comme la brume irréelle se dissipe sur Montréal

saisissant un calame en bois indigène pour transcrire en neiges l’élan du grand nord sur l’esplanade des noms de l’hiver, d’où coule la sève,

d’où toutes choses tirent leur origine et retournent au temps guéri de s’être aimées. Les mots qui en découlent portent la marque des eaux fluviales chargés de vivant limon depuis que tu conduis dans le désert tes certitudes perdues,

II.

Essuyant sur les visages étrangers la poussière du retour,

de la nostalgie il ne reste rien, aucun passé n’est plus attirant que l’avenir rendu possible, maintenant

que le vent érode la couche sèche conservée sur la croûte de lave tiède,

afin que des grains porteurs de résurrection à la périphérie des épis soient cueillis

pour cet instant


III.

Dans la campagne laissée en friche repoussent pensivement le lin blanc et l’hysope bleue, à l’ombre éparpillée que le soleil épargne,

j’erre parmi la vigne et les champs d’Ollon

sans retour être là. Où des heures se trouvent

sans attendre confirmation confortés par l’état de la science – le progrès ne saurait nous empêcher de prendre de l’avance

IV.

Les jours passent que notre liberté soit faite

Les arches d’un pont en métal rouillent un fleuve déborde son canal et recouvre l’asphalte de limon. Tronquée de son embouchure l’eau corrosive se mêle aux huiles flottantes rendues aux arcs-en-ciel fuitant des moteurs arrêtés.

Des mouettes apparaissent hors de la brume née des matins d’hiver. Des néons éclairent la propagande et clignotent les slogans consuméristes formant une fresque urbaine multicolore. Nous ployons sans hâte nos corps saturés sous le déferlement ordonné de nous vendre ajustant le cap sur ce bonheur croissant. Que nous alternons avec des phases de désespoir pétris de la peur de ne pas être pris en compte.

Dans l’obscurité du soir, des corbeaux incorporent des ombres laissées par le faisceau des phares aveuglant le promontoire déserté d’un bras de mer.

Tout s’efface. Les jours passent.

Et nous restons avec le point commun brandi que notre liberté soit faite.

V.

UNE ÉTOILE EST TOMBÉE quand nous sommes passés sous le porche de la ville affairée.

Ce que j’ai pu retenir de ses rayons dans mes mains brûlées était insuffisant pour y passer la nuit

Soulevant la cime ponctuée des fruits mûrissaient aux arbres et sur des mausolées de terre chantaient l’appel du vent à la prière les haut-parleurs dans le ciel arabe

Le reflet d’une braise toque contre les vitres d’une fenêtre qui voleront en éclats pour laisser entrer les conquérants d’un vide abyssal.

Nous comptons le reste quand sonne l’heure au clocher des nuits blanches.

Nous passons le vent souffle la pluie tombée ramène de tes grands yeux de khôl les fruits exténués du livre des nuées.

L’azur interminable de la route s’est lentement ouvert ;

Viennent des jours accordés à la permanente ligature offerte par ce qui n’est plus à ce qui n’est pas

encore