La Nuit Dernière
1.
UNE SILHOUETTE émaciée longe le canal
sifflotant des notes de buée presque bleue dans la rue que des gyrophares inondent
oublieuse elle entre chez le prince Henri
dans une chambre d’hôtel
une chanson s’échappe
d’une voix d’ange déjà âgé
des amoureux qui ne s’embrassèrent jamais assez s’allongent
du matin au soir
et toutes les nuits
rendues à la trompette
émise diffuse – rémission
une épaule y repose sa tête
les façades voisines penchent
les flamandes en dentelles amples
qui l’entendent
sur leur vélo s’arrêtent
s’étonnant
du feu perpétué
dans l’intimité
sans remords le gris du jour recouvre le bleu d’oubli
Léthé céleste
comme le ciel s’abaisse
j’attends que les heures de nuit illuminent les ruelles
pour sortir
faire la fête
étourdi qu’elle me grise encore
des photos sur papier glacé
déposées en fragments
de cœur éparpillés sur le pavé glacial
un dernier verre tourné
puis l’un après l’autre
les bars ont fermé
les lumières s’éteignent
chacun rentre chez soi
sauf ceux qui n’ont pas sommeil
2.
LE BRUIT s’atténue
on n’entend plus de tramway
la cité se tait
lui n’a pas sommeil
il ne sait où aller
il laisse donc son pas
ses pieds le guider
à travers le parc
on sait qu’il y a des fleurs
Orion y tend son arc
sur l’eau stagnante
des convulsions naissent
s’il se met à pleuvoir
le pavement bitumé
de la vieille ville
ruisselle sous la lune
quand les trombes d’eau s’estompent
une trille devient audible
qui attire tardivement
une ampoule clignote
des cuivres balancent au vent l’enseigne
d’un club encore ouvert
3.
UN RÉCONFORT sans fard
trouver refuge
au fardeau du corps
dans le jazz
une nuit en Tunisie
et la musique s’arrête
pour un entracte
les musiciens traversent la salle
vont dehors prendre l’air
viennent se désaltérer au bar
où j’étais accoudé
il m’invite ensuite
pour une session
à l’improviste
ainsi la nuit dernière
encore je n’ai pas dormi
seul dans la rue