Tête brûlée
Bien que
soit réduit à presque rien
séparé en particules
de vérités qu’on articule
s’il fait trop chaud
de plus en plus
le sens s’étiole
en évanescences indécentes
inversant l’essence
luciole s’immolant
étincelle insignifiante
dans le soir du centre-ville
désormais bleu pétrole
le ciel s’annule
la flamme brûle
le ciel s’ennuie
et vient la Nuit
— jusqu’à quand ?
attente
le poème patiente
latente
si la langue donnait tout
alors écrire serait enfantement
un corps en hiver
depuis la froideur me tue
attendre
atteindre
entendre
la lecture de nos voix
grelotte sous le vent
le vin et les écritures
refont le monde
mais les révolutions passées
nous ont rendus patients
l’urgence cathartique a laissé la place
à la paperasse bureaucratique
depuis qu’il ne se passe rien
nous accusons le coup
et nous tuons le temps
bien qu’il soit vain de retenir
ainsi ce qui ne passe pas
la transe s’y essaye
au gré des illuminations
pourtant goutte après goutte
mon existence est distillée
essuyant l’affront
l’émission et sa rémission
en dépit de tout tu plonges en toi-même
miroir mis en abîme
l’océan hors du temps l’univers de ton éveil
tu n’as de cesse tête brûlée
tu désertes l’armée
tu suis dans le désert
les caravanes de la soif
un fragment immense de nuage
occultant la lune s’en irise
un satellite traverse la voie lactée
tu pries
tu as pleinement conscience
de la portée des actes nomades
qui t’établissent entre deux oasis
jour après jour
tu refuses les ordres
infliger le châtiment
au fer rouge de l’autorité
contre vastes luxures
baisser les yeux
n’y pense plus
tu n’es pas seul
la route reprend ses droits
toutefois la peur
est un élément
dont tu dois tenir compte
l’envie qui se décompose
d’autant que tu n’as pas de plan
tu viens à la rencontre
dans l’étonnement
de faire connaissance
comme on se jette à l’eau
au milieu du désert de la soif
tu imites les gestes du Christ
tu lies ton cœur qu’il a élu
la mie au couteau qui l’éventre
tu foules la poussière
et le sable est une rose
qui te couronne d’épines
il fait de plus en plus chaud
qu’importe la croissance est en plein boom
dans un élan conjoint qui réchauffe l’atmosphère
les complexes pétrochimiques élèvent
leur panache de substances asphyxiantes
produisant d’ineptes substrats aux profits
juteux ravageant au passage fleuves et campagnes
pour faire une omelette on doit casser des œufs
malgré la chaleur étouffante de l’été
les mourants sur le bas-côté
les importuns chassés des yeux
jusqu’au dernier souffle tu résistes tête brûlée
aux sirènes suicidaires de la Terre brûlée
au recueil